Quand j’étais plus jeune, l’image que je me faisais de Calamity Jane était un mélange du personnage de la BD Lucky Luke et de la chanson d’Annie Cordy :
Portrait pas bien flatteur, je vous l’accorde, d’une super-héroïne de l’ouest dépourvue de charme et de féminité.
Plus tard, j’ai lu « Lettres à sa fille » et j’ai découvert une femme sensible et une mère aimante à qui la vie n’avait pas fait de cadeau. Et même si la paternité (maternité ?) de ce texte est controversée, j’ai voulu croire à la tendresse de cette Calamity Jane pour sa petite Janey, au courage qu’il lui a fallu pour confier son enfant à de parfaits inconnus afin de lui assurer un avenir meilleur et à sa vie solitaire et torturée pour supporter cette séparation.
L’écoute de l’adaptation musicale de Chloé Mons, Alain Bashung et Rodolphe Burger (La ballade de Calamity Jane) avait par la suite longuement prolongé cette émotion.
Puis vint « Deadwood », ma série fétiche, où Calamity se mue en poivrote fière-à-bras. Une SDF avant l’heure dont la couardise n’a d’égale que la mythomanie. Un vrai choc pour moi : qu’est-ce que c’est que cette Calamity ? J’adore cette série, vous le savez, mais je n’ai jamais réussi à me faire à cette nouvelle facette de Martha Jane. La vision de Pete Dexter dans le roman éponyme (« Deadwood » pour ceux qui n’auraient pas suivi) m’avait ensuite vaguement rassérénée : toujours aussi hommasse et grossière mais peut-être un petit peu moins paumée. Voici la description qu’en fait Boone (une de ses conquêtes d’un soir) :
Sa peau était pâle, meurtrie et avachie. Elle avait de gros os. Des jambes maigres, des bras mous et pas du tout de poitrine. Boone n’avait jamais vu une femme avec tant de bleu et de noir à tant d’endroits différents. A croire qu’on l’avait traînée jusqu’ici depuis Chicago. Elle était aussi blette que peut l’être un corps humain.
– Laisse tomber, dit-elle, sans même ouvrir les yeux.
Il regarda son visage, un visage d’homme. Et pas d’un homme qu’on a envie de connaître. Des yeux aplatis, pour ainsi dire pas de lèvres et un nez qui ressemblait à celui du hors-la-loi George Gros-Nez. Boone sortit la tête à l’extérieur de la tente, le temps d’aspirer un peu d’air frais.
– Ça te ferait pas de mal d’aller faire un tour aux bains de temps en temps, lui dit-il.
– Une fois, j’ai pris un bain, dit-elle, en tirant la couverture sur elle. Et j’ai vu la flûte d’un Cheyenne flotter sur l’eau. […] Il avait dans les vingt-deux ans , le lascar, et il était pas mal pour un Indien. Il voulait faire un câlin avec Calamity Jane, et j’ai changé d’avis qu’à la dernière minute. Merde alors, une dame a bien le droit de changer d’avis. [p. 74-75]
La grande classe, non ?
Je commençais donc à me faire à ce nouveau personnage quand j’ai eu le malheur de regarder « Buffalo Girls » de Rod Hardy où l’on voit Anjelica Huston, alias Calamity, plongée dans les affres de la passion et se consumant d’amour pour Wild Bill Hickok. Traumatisant. Vraiment. Le romantisme béat ne sied guère à Martha Jane Cannary et moi je commençais à en avoir assez soupé de tous ces revirements de personnalité. Alors l’an dernier j’ai regardé arriver la BD de Matthieu Blanchin et Christian Perrissin d’un mauvais œil en me demandant ce qu’il allait encore lui arriver à cette pauvre Jane. A tort ; je l’avoue maintenant, parce que cette biographie elle est franchement bien. Bien documentée et tout et tout. Et puis ça change car ‘on découvre Martha bien avant qu’elle devienne Calamity même si elle n’en est pas moins extravagante pour autant. En tout cas, si je voulais faire connaissance avec le personnage, c’est par cette BD que je commencerais.
Mon article pourrait s’arrêter là dans cet inventaire des multiples facettes qu’à pu prendre cette héroïne mythique de l’Ouest, mais il y a quelques temps, en interrogeant l’ami Google, je me suis aperçue qu’une série d’animation l’avait remise au goût du jour. Apparemment, ça date de 2001 et ça passait sur TELETOON. Je regrette un peu de l’avoir loupée mais j’ai quand même pu avoir un bref aperçu en consultant le site web. Calamity en super-justicière du Far West ! Manquait plus que ça… En même temps pourquoi pas, chacun est bien libre d’imaginer sa propre « calamité ».
Petit récapitulatif des livres, CD et DVD que j’ai cités (disponibles dans toutes les bonnes médiathèques évidemment) :
Calamity Jane / Morris et Goscinny
Calamity in « 50 ans de succès » / Annie Cordy
Lettres à sa fille / Calamity Jane
La ballade de Calamity Jane / Chloé Mons, Alain Bashung et Rodolphe Burger
Deadwood / David Milch
Deadwood / Pete Dexter
Buffalo Girls / Rod Hardy
Martha Jane Cannary : la vie aventureuse de celle que l’on nommait Calamity Jane / Matthieu Blanchin et Christian Perrissin
Pour ceux qui liraient aussi le blog d’une certaine institution aux alentours de Pottokcity, ne vous étonnez pas d’y retrouver cet article. On m’a forcée.